Réforme des retraites : le gouvernement a-t-il fait des choix idéologiques ?

Chaque semaine, Clément Viktorovitch revient sur le site de FranceInfo sur les questions politiques et sur les débats. Dimanche 15 janvier, c'est la réforme des retraites proposée par Elisabeth Borne qui est au centre des discussions. Objeko vous donne tous les détails.

© afp/BERTRAND GUAY

Il est évident qu’il s’agit d’une importante réforme. Les retraites touchent directement et de manière significative à la vie de tous les Français. Clément Viktorovitch veut montrer à quel point cette réforme est capitale, plus que ce que l’on peut imaginer.

En rappelant que, selon les prédictions du Conseil d’orientation des retraites, le régime risque de connaître un déficit financier limité mais potentiellement persistant au cours des 20 à 25 prochaines années, nous nous trouvons face à un défi : déterminer le moyen le plus approprié pour combler ce déficit. Plusieurs options sont alors envisageables.

Le gouvernement a opté pour le report de l’âge de la retraite

Le gouvernement a opté pour le report de l’âge de départ à la retraite, ce qui signifie que les personnes ayant commencé à travailler plus tôt seront contraints de prolonger leur activité professionnelle. Cependant, d’autres solutions auraient pu être retenues, notamment la mise en place d’un système de taxation de l’épargne salariale ou une légère augmentation des cotisations.

Pourquoi ce refus de considérer toute autre source de financement ? La raison en est que cela touche à notre modèle de société. Il est nécessaire de remonter d’un cran et de se poser la question : qu’est-ce que la retraite ? Quand on parle de retraite, cela signifie généralement arrêter de travailler. Mais les sociologues Bernard Friot et Nicolas Castel expliquent que, du point de vue socio-économique, il existe deux conceptions concurrentes de la retraite.

Selon le point de vue libéral, la retraite est une forme de revenu différé. Les travailleurs paient des cotisations chaque mois tout au long de leur vie et, à un âge où ils sont trop âgés pour travailler, ils reçoivent une pension qui dépend des sommes qu’ils ont versées. Ainsi, ils peuvent profiter d’une période de repos et de loisir avant leur décès.

Depuis les années 90, les pensions ne sont plus indexées sur les salaires

Plutôt que de considérer la retraite comme un revenu différé, nous pouvons la voir comme la continuation du salaire. Dans ce sens, la collectivité s’organise pour que chaque travailleur bénéficie d’un temps libéré. Grâce à ce salaire, les individus peuvent choisir comment ils souhaitent contribuer à la société.

Après la Seconde Guerre mondiale, une conception de la retraite s’est imposée : celle de salaire continué. En conséquence, le montant des pensions de retraite était basé sur les six derniers mois des fonctionnaires et sur les dix meilleures années des salariés, et indexé sur les salaires afin que le pouvoir d’achat des retraités suive celui des salariés.

L’âge de la retraite a été avancé à 60 ans en 1983, ce qui a donné lieu à des conséquences concrètes pour la société, par exemple un tissu associatif important et des grands-parents qui assurent un grand nombre d’heures de garde d’enfant.

Depuis les années 90, les pensions ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix, et le taux de remplacement a continué de se creuser. Les travailleurs sont encouragés à prendre une épargne complémentaire, ce qui reflète une conception libérale de la retraite.