La charcuterie nitrée est-elle dangereuse à la santé ? Voici la réponse des experts

L'Anse a mené une enquête sur la charcuterie nitrée. On vous partage tout ce que vous devez savoir sur les risques d'une telle consommation.

© Jean-Paul ROUX

Ce n’est pas la première fois qu’on évoque que les additifs dans les aliments transformés sont néfastes pour la santé. C’est le cas de la viande transformée, notamment de la charcuterie nitrée, qui pourrait engendre des maladies comme le cancer. L’Anses a publié son dernier rapport et on vous partage les informations à retenir sur le sujet.

Tout savoir sur la charcuterie nitrée et les risques de sa consommation

Le journaliste et documentariste Guillaume Coudray a sorti en septembre 2017 un ouvrage intitulé Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison. Depuis, les médias se sont penchés sur le sujet des sels nitrités utilisés pour produire de la charcuterie.

La Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont sur le sujet et ont saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) le 29 juin 2020.

Suite au GT Nina sur l’« Évaluation des risques liés aux nitrates et nitrites », un rapport a été rendu en juillet 2022. Conclusions et préconisations ci-dessous.

Manger de la charcuterie n’est pas forcément bon pour votre santé

Tout d’abord, il faut repréciser que manger de la charcuterie intensifie les probabilités d’être victime d’un cancer colorectal. C’est une conséquence qui a été mise en lumière en 2007 dans l’étude du World Cancer Research Fund (WCRF) et de l’American Institute for Cancer Research (AICR).

En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC, ou IARC en anglais, institut de recherche sur le cancer de l’OMS) confirmait qu’il y avait assez d’éléments pour déclarer que la charcuterie nitrée était cancérigène. Le risque de tomber malade est plus important quand vous consommez de la charcuterie plutôt que de la viande rouge.

Ainsi, la charcuterie nitrée est devenue un sujet très politique. Deux projets de loi ont été proposés par le député Richard Ramos pour limiter l’utilisation des nitrates. En parallèle, Foodwatch, Yuka et la Ligue contre le Cancer ont mené une grande pétition pour interdire tout bonnement ces additifs dangereux.

Le 3 mars 2020, les députés Richard Ramos, Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet ont demandé qu’une étude d’information soit réalisée. Ainsi, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a donné cette mission à l’Anses qui a répondu à la question : « Quel(s) risque(s) courons-nous à consommer de la charcuterie nitrée ? »

Une enquête menée par l’Anses

L’Anses a donc porté son attention sur la charcuterie nitrée, mais aussi l’exposition au nitrite et nitrate d’autres aliments et eaux de boisson.

L’étude répond à quatre questions :

  • Quel risque microbiologique la suppression/réduction de sels nitrités fait-il courir ?
  • Quelles alternatives à l’usage des sels nitrités et pour quels risques sanitaires ?
  • Est-il nécessaire de revoir la dose journalière acceptable (DJA) du nitrite et du nitrate suite au rapport EFSA 2017 ?
  • Existe-t-il de nouvelles connaissances, notamment mécanistiques, permettant de mieux caractériser le lien entre cancérogenèse chez l’Homme et consommation de produits carnés nitrités ?

Pour l’étude, l’Anses a créé le GT NiNa avec une dizaine de scientifiques et supervisé par quatre comités d’experts : Biorisk, Eaux, VSR et ERCA. Pour éviter les conflits d’intérêts, chaque expert est choisi pour ses compétences et a dû remplir une déclaration publique.

Ainsi, le GT de scientifiques rend ses conclusions, validés par les comités d’experts et ensuite validé par la direction de l’Anses.

Une étude complexe

Les composés nitrosés/azotés tels que les nitrites sont des substances dynamiques et qui évoluent tout le temps. Nous y sommes tous exposés dans notre quotidien, mais les toxicités sont différentes.

L’Anses précise que cette étude est difficile à réaliser sur des molécules si réactives et diverses. Dans notre c*rps, la nature de ces molécules varie selon les caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques pendant la digestion.

Pour rappel, les nitrates et nitrites sont contenus dans le carné, mais pas seulement, aussi dans l’eau de boisson et certains végétaux. Mais, les types d’additifs sont différents et en quantité différente aussi. Ainsi, il faut préciser que consommer de la charcuterie nitrée n’entraîne pas les mêmes risques que consommer d’autres aliments qui contiennent aussi ce genre d’additifs. Mais, on sait que ces derniers sont associés au risque de cancer gastrique.

Pour la charcuterie nitrée, on expose que le risque de cancer colorectal augmente.

Charcuterie, nitrate et maladie

Les rapporteurs du GT NiNa a regroupé tous les articles scientifiques publiés entre janvier 2015 et mars 2022. Quand deux articles avaient les mêmes conclusions, ils étaient pris en compte. En somme, le GT a conclu « à l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal » et va donc dans le sens des analyses du CIRC en 2015.

Le GT va plus loin en expliquant que ce sont les additifs nitrés qui engendrent une cancérogénicité de la charcuterie. Les résultats actuels sont plus précis que tous les précédents. L’étude de l’Anses précise aussi qu’il y a un lien avec plusieurs cancers : sein, vessie, pancréas, estomac, œsophage, prostate

Mais, les preuves ne sont pas encore suffisantes, car seulement deux articles ont révélé les associations avec la maladie. Donc, il faudra encore d’autres études pour confirmer les premières analyses ou pas.

Un lien entre la charcuterie nitrée et le cancer

Les scientifiques vont continuer leurs recherches, car la charcuterie nitrée et les risques de maladies dépendent de plusieurs éléments. Par exemple, le type d’additifs précisément, leur quantité, leur toxicité, leur cancérogénicité, sans parler de l’« effet cocktail », c’est-à-dire le mélange et l’accumulation de plusieurs aliments qui contiennent ces additifs.

Avec ces informations, on comprend que l’analyse précise des risques n’est pas si simple, voire impossible. Mais, ce qu’on peut vous dire, en matière épidémiologique, manger de la charcuterie nitrée pendant 20 ans entraînera forcément un risque accru de cancer colorectal.

Par ailleurs, pour un produit reconnu comme cancérigène, on ne peut pas parler d’une « dose journalière admissible ». Ce qui rend la prise de décision compliquée.

Est-ce que les autorités publiques vont tenir compte de ses premières conclusions sérieuses de l’Anses et mettre en place des mesures ?

Le conseil à appliquer dans votre alimentation

  • Limiter la consommation de produits carnés, notamment la charcuterie nitrée. On consomme avec modération ou on choisit mieux ses produits.