Inédit, l’océan Atlantique frappé par une vague de canicule marine jamais vue jusqu’à présent

Canicule marine: des températures très hautes de plus de 5°C ont été mesurées au large des îles britanniques. Les détails dans cet article.

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Canicule marine: il s’agit d’une catastrophe environnementale cachée très sérieuse. Une vague de chaleur marine sans précédent se produit en ce moment dans l’océan Atlantique, de l’Islande à l’Afrique, avec des températures supérieures de plus de 5°C à la normale près des îles britanniques.

Le 21 juin, la température de la surface de l’océan dans la partie nord de l’océan Atlantique a été mesurée à 23,3°C, soit 1,28°C de plus que d’habitude pour cette période de l’année ! De mars à mai, la surface de l’océan a atteint sa température la plus élevée jamais enregistrée en 174 ans de mesures, soit 0,83°C de plus que la température moyenne du XXe siècle, selon les données de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis.

« Des anomalies de température comme celles-ci dans cette partie de l’Atlantique Nord ne se sont jamais produites auparavant », déclare Daniela Schmidt, professeur de sciences de la Terre à l’Université de Bristol, citée par le Centre britannique des médias scientifiques. « Les anomalies sont très fortes et préoccupantes », confirme Jean-Baptiste Sallée, océanographe et climatologue au CNRS.

Les scientifiques affirment que ces vagues de chaleur marines devraient entraîner la mort d’un grand nombre d’espèces, bien que cela ne soit pas immédiatement visible pour la plupart des gens.

Canicule marine: « C’est très chaud »

Les scientifiques ne sont pas surpris que la température de l’eau de l’Atlantique Nord ait atteint plus de 23°C, à cause de la vague de chaleur marine. Les océans absorbent 90% de la chaleur produite par l’effet de serre. Ce genre d’événements devrait donc devenir plus fréquent et intense à cause du réchauffement climatique.

Cependant, Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et coauteur d’un rapport du Giec, remarque que « c’est surprenant que cela arrive si vite ». Il y a plusieurs théories pour expliquer ce phénomène extrême, telles que la diminution des poussières sahariennes transportées par le vent ou la réduction des émissions de soufre des navires, deux types d’aérosols qui ont normalement un effet refroidissant sur l’atmosphère. Mais selon Jean-Baptiste Sallée, « ce sont seulement des hypothèses ».

Dans le nord de l’océan Atlantique, il y a « un anticyclone persistant au niveau de l’Irlande et du Royaume-Uni, peu de vent, une mer calme, et beaucoup d’énergie solaire », explique Thibault Guinaldo, chercheur en océanographie spatiale au Centre national de recherches météorologiques (CNRS-Météo France). Cela signifie que les eaux de surface ne se mélangent pas suffisamment avec les eaux profondes.

Changement climatique et océans

Les scientifiques ont prédit que la canicule océanique entraînera une « mortalité massive » d’espèces marines, telles que les coraux et les invertébrés, sans distinction. Daniela Schmidt a déploré que cela se produise sous la surface de l’océan, ce qui passera inaperçu.

L’année dernière, lors des canicules en mer Méditerranée, où des températures atteignant 30°C ont été mesurées, environ 50 espèces (coraux, gorgones, oursins, mollusques, bivalves, posidonies, etc.) ont été touchées par des « mortalités massives ». Cela a eu lieu entre la surface et 45 mètres de profondeur, selon Jean-Pierre Gattuso, co-auteur d’un article sur le sujet. D’autres espèces migreront vers les pôles, ce qui aura des conséquences sur les pays de la zone intertropicale en faveur des eaux de Norvège et d’Islande qui deviendront plus poissonneuses, selon le chercheur.

L’océan se réchauffe et pourrait perdre en partie son rôle de pompe à carbone, car il absorbe un quart du CO2 émis par l’homme. Juliette Mignot, océanographe à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), a souligné qu’il aura « un effet amplificateur sur le réchauffement atmosphérique » et évoque un « point de bascule ».

« Tout n’est pas perdu »

Selon Jean-Baptiste Sallée, il y a des moments où les choses peuvent changer, mais on ne sait pas à quelle température cela se produira. Il dit que cela peut arriver entre 2°C et 3°C de réchauffement.

Dans son scénario le plus pessimiste, le Giec pense que ces canicules océaniques vont devenir 50 fois plus fréquentes d’ici la fin du siècle, et qu’elles seront 10 fois plus intenses.

Cependant, Jean-Pierre Gattuso dit qu’on peut limiter les dégâts. Si les émissions de gaz à effet de serre suivent ce qu’on a décidé dans l’Accord de Paris, on peut arrêter complètement le réchauffement et l’acidification de l’océan. Il conclut que tout n’est pas perdu.