Réforme des retraites : Est-il possible de destituer Emmanuel Macron via l’article 68 de la Constitution ?

Depuis l'annonce de la réforme des retraites, certaines personnes sur internet ont exprimé l'idée d'une destitution possible du président de la République. Bien que la procédure soit possible, elle est difficile à mettre en place.

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Après l’utilisation de l’article 49.3 et 47.1, l’article 68 est maintenant en jeu. Bien que la colère ne diminue pas dans les rues, Emmanuel Macron a pris la parole le 17 avril, trois jours après la validation de l’essentiel du projet et deux jours après sa promulgation expresse.

Cette politique menée par le président a également suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, poussant des internautes à demander sa destitution. Bien qu’une pétition demandant le départ d’Emmanuel Macron ait été mise en ligne sur le site officiel de l’Assemblée nationale le 13 avril, il est peu probable que la procédure de destitution soit mise en place ou qu’elle aboutisse compte tenu du fonctionnement des institutions.

La procédure de destitution peut être déclenchée « en cas de manquement du chef de l’Etat à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Il s’agit ici d’une procédure politique et non pénale. Ce manquement peut concerner le comportement politique et privé du président de la République « à condition que ses actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction ».

Réforme des retraites : Cependant, même avec sa détermination à faire passer la réforme des retraites, Emmanuel Macron ne peut être tenu « responsable » de la situation actuelle de la France simplement par ses décisions politiques.

Le locataire de l’Élysée est en effet protégé par l’article 67 de la Constitution, qui établit que « le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité ». Par conséquent, « il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu ». Il est important de rappeler que « les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions ».

UNE PROCÉDURE DÉCLENCHÉE SOUS CONDITIONS

Pour déclencher la procédure de destitution, certaines conditions doivent être remplies. Tout d’abord, il faut qu’une proposition de réunion du Parlement soit adoptée, par l’Assemblée nationale ou le Sénat, en Haute Cour « à la majorité des deux tiers de leurs membres », selon la loi organique numéro 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution.

La proposition de résolution doit être « signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée ».

Une fois la recevabilité et les conditions de la proposition de résolution vérifiées, celle-ci est par la suite transmise à l’autre assemblée. Cette dernière a quinze jours pour se prononcer. En cas de non-adoption, la procédure de destitution est alors terminée.

Réforme des retraites : Néanmoins, si une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour a été adoptée par chacune des assemblées, le Bureau de la Haute Cour se réunit aussitôt. Le Bureau de la Haute Cour est composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le Bureau de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat, en s’efforçant de reproduire la configuration politique de chaque assemblée.

Ainsi, le verdict de la Haute Cour doit être rendu dans un délai d’un mois. La majorité des deux tiers des membres de la Haute Cour est nécessaire pour prononcer la destitution du Président. Les votes s’effectuent à bulletins secrets. La délégation de vote est impossible. Seuls les votes pour la réunion de la Haute Cour ou pour la destitution sont recensés.

Pour rappel, une seule résolution a été déposée par des députés depuis 2007, datant de 2016. À l’époque, 79 députés LR ont demandé la destitution de François Hollande en raison de ses confidences à des journalistes sur « la défense nationale », révélées dans le livre « Un président ne devrait pas dire ça ». Après examen de la proposition de résolution par le bureau de l’Assemblée nationale, celle-ci a été rejetée. L’instance a estimé qu’elle était irrecevable, car « ne justifiant pas des motifs susceptibles de caractériser un manquement ».